mercredi 28 novembre 2018

Les Westphaliens et comment retracer l'histoire de la famille...

Dans ma famille, du côté maternel, on compte des Westphaliens... Un mot qui sonne allemand, puisque la Westphalie est une ancienne province/région économique d'Allemagne dans la vallée de la Rühr (un affuent du Rhin), qui fut très florissante. Aujourd'hui, cette région correspond à ce que l'on appelle la Rhénanie du Nord avec des villes comme Münster ou Dortmund.

(C) Bibliothek allgemeinen und praktischen Wissens für Militäranwärter Band I,
1905 Deutsches Verlaghaus Bong & Co Berlin * Leipzig * Wien * Stuttgart


Ces mineurs Westphaliens sont des Polonais qui ont émigré vers cette région de la Rühr à partir des années 1890, à une époque où la Pologne n'existe plus réellement et où donc certaines régions de Pologne sont sous influence allemande. "Logique" donc que certains mouvements migratoires s'orientent pour certains Polonais en Westphalie.
Ils y vont pour travailler, car l'Allemagne a besoin de bras pour extraire le charbon. C'est le cas de mes deux arrières-grands-pères maternels.

Ils sont ensuite appelés en France dans les années 1920 et cette particularité d'avoir été auparavant en Westphalie les distinguent des autres mineurs polonais : d'après les différents écrits que j'ai pu lire à ce sujet, ils sont mieux formés que les Polonais qui arrivaient directement en France depuis la Pologne, plus qualifiés... Ils utilisent des techniques d'extraction du charbon avec un meilleur rendement et sont relativement courageux et productifs. Dans "Les Polonais du Nord"(1), Henri Dudzinski explique même que "fortement imprégnés par l'éducation et la culture allemande, les Westphaliens se positionnent comme l'intelligentsia de l'émigration par rapport aux Silésiens et aux Galieciens peu cultivés. En effet, leur situation est avantageuse : leurs enfants sont jeunes - beaucoup ont connu la scolarité allemande - ils savent lire, compter, écrire en polonais et en allemand, tout en apprenant rapidement le français". 
Pour la petite anecdote,  ma grand-mère Praxeda (dont la photo figure sur la colonne de gauche) est née en 1914 en Allemagne, elle parlait à la fois le polonais avec ses parents, l'allemand qu'elle avait probablement dû parler en Allemagne "officiellement" et le français qu'elle a appris à l'école française qu'elle a fréquentée en arrivant en France : mais elle insistait toujours sur sa mère-patrie, la Pologne. Mon grand-père, plus vieux (né en 1908), parlait beaucoup plus polonais que français (il s'exprimait assez mal en français, signe qu'il était arrivé en étant plus vieux en France et n'avait pas fréquenté l'école de la République !).

acte de naissance de ma grand-mère (en allemand)


Pour venir en France, à la différence des Polonais venus directement de Pologne, ces Westphaliens bénéficient d'un contrat de travail d'un an, du voyage et "luxe suprême" d'une prise en charge de leur mobilier(2). Les compagnies houillères construisent même des logements spécifiquement pour les accueillir.

L'intégration n'est pas forcément aisée : après une Première Guerre Mondiale qui laisse une France exsangue, des Polonais allemands ne sont pas forcément vus d'un bon oeil : Boches, Polaks,  Prussiens, voire casques à pointe (en référence aux soldats allemands de la Première Guerre Mondiale) tout y passe pour les Français qui regardent avec défiance cette main d'oeuvre étrangère. Les premières années sont même tendues : la mission catholique polonaise en France ne tardera pas à envoyer des prêtres dans le bassin minier, pour sceller une certaine stabilisation... 

Ma famille maternelle se fixe à Divion.

1- les Polonais du Nord, histoire d'une émigration, éditions La Voix du Nord
2 - d'après "les trois âges de la mine, de l'apogée au déclin", volume 3, éditions La Voix du Nord (p.16)




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