Au début des années 20, quand ma
famille arrive en France, elle passe - a priori - par le dépôt de Toul, en
Meurthe et Moselle.
Je dis "a priori", car c'est que l'histoire raconte. Tous les Polonais qui arivaient depuis la Pologne en France le faisaient par le dépôt de Toul. Dans les faits, il est établi que Toul était bien le lieu de passage des
Polonais en France, à l'image du gigantesque Ellis Island américain, qui
accueillait les migrants européens. Mais il ne reste rien, sinon, une photo
déchirée, de cette période de l'histoire de l'immigration française (c'est ce que l'excellente émission sur l'immigration qui est passée il y a quelque temps sur France 2 raconte) : les
archives départementales, que j'ai contactées m'ont confirmé qu'il ne
subsistait aucun document de cette époque. C'est quand même dingue, quand on
considère que c'était tout de même une vague d'émigration assez forte,
consentie par la France ! Ce "dépôt" était une ancienne caserne (la caserne Thouvenot) qui se situait à 3 kms de la gare, que les immigrés polonais devaient rejoindre à pied, chargés parfois "comme des baudets", avec valises et enfants dans les bras....
Nous, les descendants de ces ouvriers Polonais, il nous reste des
photos, des portraits, photos d'identité de chacun des membres de notre famille
prises à l'entrée en France.
Ces photos sont très particulières : on y voit nos aïeux poser de
face, de profil avec un numéro, une plaque, un matricule... L'image nous fait
penser à des prisonniers. On en souriait, je me souviens, plus tard, car il y avait
une expression dont j'ai entendu parler "Polonais n'a qu'un oeil" qui,
de mes souvenirs, faisait référence à cette photo de profil...
Le numéro sur la photo correspond à leur matricule : les Polonais
étaient ainsi fichés dès leur arrivée.
(c) Centre historique minier de Lewarde - photo issue du livre "les Polonais du Nord, histoire d'une émigration", édition La Voix du Nord |
Pour la petite histoire, ce
dépôt de Toul fut inauguré en 1919 à la suite d'une convention passée entre la
France en manque de main d'oeuvre à la fin de la Première Guerre Mondiale et le
tout jeune Etat Polonais (la Pologne renaît de ses cendres le 11 novembre 1918,
j'y reviendrai !).
Le dépôt de Toul, dans lequel sont donc passés mes
arrières-grands-parents et grands-parents était situé dans une ancienne caserne
militaire : il comprenait 4 services (sûreté générale, hygiène et de
vaccination, main d'œuvre industrielle et main d'œuvre agricole). Les immigrés
polonais, arrivés sur place en train étaient littéralement "parqués" à cet endroit pendant deux à trois
jours pour y subir notamment une visite médicale avant d'être dirigés vers le
bassin d'emplois auxquels ils étaient destinés. Parfois, on leur mettait autour du cou une pancarte avec le nom de la ville où ils devaient se rendre pour éviter les "égarés" et faciliter le "triage".
Pour certains membres de ma famille, du côté maternel notamment,
le parcours de l'immigration est même un peu plus complexe, car ils ont d'abord
quitté la Pologne au tout début du XXème siècle pour aller travailler dans les
mines allemandes, en Westphalie avant d'arriver en France. Mais il ne fait aucun doute qu'ils sont passés eux-aussi par Toul.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Un petit message à laisser? Une réaction?
Any reaction to leave?